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CAROTTE



Carotte rouge, jaune, blanche, violette
 (Daucus carota var. sativa,
carota sativus et carota carota) 
Famille des Ombellifères (Apiacées)




La plante sauvage, Daucus carota, à l’origine de nos carottes, était un poison.

Daucus est le nom grec de la plante sauvage. Carotte vient du latin carota et du grec karoton.

La carotte a été cultivée depuis les temps anciens dans sa forme primitive et provient probablement d’Asie Mineure. Elle est présente dans toute l’Europe, une partie de l’Asie et en Afrique du Nord. Longtemps avant notre ère, les habitants du bassin méditerranéen consommaient cette racine. Elle était connue depuis l’Antiquité comme légume et plante médicinale. Grecs et Romains n’appréciaient guère ce légume, car à cette époque, il avait une couleur blanchâtre ou violette presque noire, une peau épaisse et un cœur fibreux ou dur. Les premières carottes étaient longues et coniques. Les carottes violettes étaient appréciées en raison de leur saveur douce, mais coloraient fortement les plats. La variété jaune apparut certainement suite à une mutation. Les deux variétés, jaune et violette, étaient utilisées par les Grecs et les Romains pour leurs propriétés médicinales. Pline, dans son Histoire naturelle mentionne la carotte sous le nom de Pastinaca Gallica (signifiant racine de Gaule), appellation que l'on retrouve aujourd'hui encore dans certaines régions de France, où la "pastenade" n'est autre que la carotte. Apicius(1) donne trois recettes(2) de carotae, frites avec du garum(3) au vin, en vinaigrette ou bouillies et cuites avec une sauce au cumin ; elles sont intitulées carotae sev pastinacae, la carotte étant souvent confondue avec le panais à cette époque(4). D’ailleurs, la carotte se traduit en catalan par pastanaga, proche de l’espagnol et du latin pastinaca (panais).

Certaines variétés oranges semblent être originaires d’Afghanistan ; elles atteignent ensuite la Méditerranée et sont introduites par les Arabes lors de l‘invasion de la Péninsule ibérique. Ibn Al-Awwam(5), dans son Livre de l’agriculture, cite au XIIème siècle, deux espèces de carottes : la rouge (déjà présente en Syrie au IVème siècle) et une autre variété plus grosse et moins bonne de couleur vert-jaune. Les Occidentaux connaissent une carotte fibreuse jaune ou rouge jusqu’au XVIIème siècle. On trouve des recettes incluant la carotte surtout dans les livres de cuisine arabo-andalouse. Le Ménagier de Paris(6) la cite dans la rubrique « Autres menues choses qui ne sont pas de nécessité », et conseille de la faire cuire comme les navets. Il décrit les carottes comme « des racines rouges que l’on vend aux Halles par poignées ».

Ensuite, sa culture a été développée par les horticulteurs allemands au XVIème siècle, dont résultent aujourd’hui des variétés modernes. Le caractère rouge (augmentation de la teneur en carotène) apparut en Hollande fin XVIème, début XVIIème siècle puis fut stabilisé et rendu permanent par Vilmorin, horticulteur français dans les années 1830. Au XVIIème siècle, le jus de carotte servait à colorer le beurre.



La carotte apparaît dans de nombreuses expressions. Elle peut être associée à la mauvaise vie. "Vivre de carottes" signifie qu’on vit en dupant autrui. De la même façon, un "carottier fini" est un personnage dont les "carottes" (escroqueries) réussissent toujours. On dit que "les carottes sont cuites" quand la situation est décidée. Le sens originel de l’expression serait d’ordre pécuniaire : toutes les ruses pour se procurer de l’argent ayant échoué, l’espoir serait mort. Cela peut être pire : "avoir ses carottes cuites" au XIXème siècle, signifie être à l’article de la mort. Le lien entre la carotte et la duperie pourrait dériver de l’astucieuse tactique des âniers qui présentaient des carottes au bout d’une perche afin d’inciter les ânes à avancer. Une autre explication pourrait être les pratiques des contrebandiers faisant passer illégalement des carottes de tabac aux frontières.

"Ne vivre que de carottes" veut dire vivre chichement. "Tirer la carotte à quelqu’un" est un argot policier signifiant extorquer à quelqu’un des aveux. En argot, "avoir une carotte dans le plomb" est peu flatteur, c’est avoir mauvaise haleine ou chanter faux. Trois autres expressions datent du XIIIème siècle : "jouer la carotte", "tirer la carotte" ou carotter", désignent quelqu’un qui joue aux cartes de façon mesquine. Dans le jargon des casernes, "tirer la carotte" signifie essayer d’obtenir un avantage en se dérobant d’une corvée.

L’enseigne d’un bureau de tabac s’appelle une carotte, car elle a la forme de deux carottes qu’on aura jointes par le haut ; d’ailleurs, "le tabac en carotte" ou "une carotte de tabac" veulent dire du tabac roulé en forme de carotte.

La carotte est considérée comme un puissant aphrodisiaque, on dit que "manger de la carotte amène une fièvre lente qui finit par rendre amoureux". On dit que la consommation de ses graines facilite la fécondité et qu'une femme enceinte qui boit souvent du jus de carottes sauvages fortifie son enfant, « mais si celui-ci est un rouquin, il aura plus tard de mauvais instincts ». De plus, en dépit de la tradition qui leur attribue le pouvoir de rendre aimable ou de rosir le postérieur, les carottes durcissent les cuisses ou les fesses. Les femmes la consommaient pour faire venir plus rapidement leurs règles à cause de sa couleur rouge.

Dans beaucoup de dialectes (Limousin, Manche, Dauphiné, Corrèze, Cantal), on l’appelle "racine", ce qui prouve ses origines terriennes. Comme les carottes sont longues à germer, on dit en Franche-Comté qu’elles vont six mois en enfer avant de sortir de terre, et qu’on doit les semer le 24 ou 25 mars avant midi. On recommande également d’attendre la jeune lune et au semeur de porter une chemise neuve. D’autre part, dans les Vosges, on dit que les mettre en terre sous le signe du Poisson les rend lisses et droites mais semées sous le signe du Cancer, elles seront rugueuses et fourchues. Le semeur fait le signe de croix et, attrapant sa cuisse droite à deux mains, dit : « Dieu veuille que les carottes que je sème soient aussi grosses, grosses, grosses que ma cuisse ». Certains en Lorraine diront « gros comme ma tête, long comme ma cuisse » pour obtenir de grosses carottes. Dans les Vosges encore, quand on sent les premiers symptômes de la jaunisse, on creuse avec soin une carotte et après l'avoir remplie de son urine, on la suspend dans la cheminée ; à mesure qu'elle sèche le mal se retire.

Combien de roux et de rousses gardent un mauvais souvenir de leur enfance lorsqu’ils étaient traités de "poil de carotte" ; cependant, aucune utilisation antérieure à 1894 n’est connue, date à laquelle Jules Renard sortit son roman.

Une légende du sud de la France explique le rouge de la carotte. Dans la Gaule ancienne, Marie, une servante, est poignardée dans sa cuisine par les ennemis de la foi chrétienne. Son sang jaillit sur une carotte qu’elle est en train d’éplucher. Cette racine a gardé cette teinte, couleur du martyr dans l’église chrétienne(7). On la mange également pendant le carême car sa couleur rappelle celle de la chair interdite durant cette période de pénitence. On la voit souvent au menu des Vendredi Saint car sa couleur symbolise le sang versé par le Christ. Or la carotte n’est pas réellement rouge mais orange, couleur malheureusement sans symbolique particulière en religion.



La carotte contient une précieuse substance le bêtacarotène, transformé dans l’organisme en vitamine A. C’est une bonne vitamine pour la peau qu’elle colore très légèrement. Par son effet protecteur des cellules, elle renforce la résistance aux rayons ultraviolets.

Connue depuis l’Antiquité grecque et romaine, on s’en servait de façon empirique pour ses vertus intestinales. Elle était connue comme herbe médicinale et comme légume que l’on nommait "le faux chervis".

La carotte est stomachique, carminative et fluidifie le sang. L’herbe sauvage est utilisée dans les traitements de problèmes urinaires.

La carotte, grâce à ses sels minéraux, est connue pour améliorer la vue ; les pilotes anglais, pendant la Seconde Guerre mondiale, en consommaient pour mieux voir la nuit.





1. Né en 25 avant J.-C., Marcus Gavius Apicius a vécu sous le règne de l'Empereur Tibère et était son cuisinier officiel ; à la fin du second siècle après J.-C., on parle encore d’un "apicius" pour désigner un cuisinier.

2. Liber III – XXI – 1 à 3.

3. Le garum, appelé aussi liquamen, était une sauce à base de poisson et de saumure.

4. Plus loin, voir également à ce propos la partie sur le panais.

5. Livre de 1000 pages écrit à la fin du XIIème siècle par Ibn Al-Awwam, réédité par Actes Sud en 2000 ; il reprend toutes les bases de l’agriculture et du jardinage méditerranéen ainsi que de la conservation des fruits, légumes etc.

6. Le Ménagier de Paris est un ouvrage culinaire ; il fut publié pour la première fois par le baron Jérôme Pichon en 1846 et est le plus grand traité culinaire français du Moyen Âge.


7. William Wheeler, Connaître, utiliser, savourer les légumes, p. 26.

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